Thèse débutée en 2016, soutenue lundi 24 octobre 2022
Résumé :
L’objet de mon travail de thèse est l’analyse des processus qui tendent à maintenir les femmes malgaches dans la subordination et dans la dépendance à l’égard des hommes lorsqu’elles migrent en vue d’améliorer leur sort et celui de leur famille. Mon intention est de rendre compte des expériences rencontrées dans le cadre de leur migration afin de saisir ce qui entrave leur quête de sécurisation et les maintient dans une précarité matérielle et positionnelle vis-à-vis des hommes.Au-delà des différences de positions socioéconomiques d’origine et du type de migration effectué par ces femmes, les oppressions qu’elles subissent restent analogues. Les circonstances pour s’en extraire dépendent des possibilités de sécurisation qu’offre le lieu de migration. La première partie concerne l’exode rural qui a emmené des femmes, à s’installer dans les quartiers pauvres d’Antananarivo (la capitale de Madagascar). Cette migration interne, qu’elle soit amorcée par une stratégie familiale de survie ou par un choix individuel émanant des femmes elles-mêmes, n’aboutit pas à la sécurisation de leur condition de vie. Les épreuves familiales et personnelles démontrent la vulnérabilité des parcours de vie dès lors où les femmes sont détachées du système d’entraide familial. L’impossible retour au village, combiné avec les difficultés de trouver des ressources définissent leur situation limitrophe entre une paysannerie qui les a rejetées et un monde urbain difficile à incorporer. M’interrogeant sur ce processus de précarisation matérielle et positionnelle des femmes migrant seules, la deuxième partie étudie le parcours des femmes originaires d’Antananarivo migrant dans le cadre d’un mariage par correspondance en France. Mon objectif est de vérifier si, tout comme l’exode vers le monde urbain, leur migration vers les pays occidentaux concourt aussi à les maintenir dans des positions oppressives vis-à-vis des rapports conjugaux et économiques. L’observation de la migration internationale des femmes malgaches se fait au travers d’un processus temporel régi en faits circonstanciés menant à la décision de départ. En France deux figures processuelles opposées différencient leur positionnement face à la domination masculine.D’un côté, des femmes ont mis un terme à leur mariage transnational et se sont engagées dans un parcours migratoire solitaire. Séparées, sans ressources ni soutien familial, elles sont prises dans des processus de précarisation jusqu’alors méconnus. Leur itinéraire migratoire est fortement imprégné de multiples vulnérabilités liées à leurs conditions d’installation. D’un autre côté, des femmes se sont maintenues en couple en tentant de conserver le statut d’épouse. Leur parcours en France s’inscrit dans le cadre conjugal parsemé de multiples épreuves. A Antananarivo comme en France, les deux types de migration féminine malgache illustrent l’ensemble de difficultés auxquelles les femmes doivent faire face pour échapper aux rapports oppressives de genre et de classe. Si la migration est conçue dans le but de trouver des ressources économiques et affectives, on s’aperçoit que c’est la dépossession des avoirs de départ qui dissout rapidement les tentatives de sécurisation.Dans un premier temps, leur parcours consiste à lutter pour la survie. Le cadre étant difficilement réalisable, celui des migrantes venues à Antananarivo se resserre autour de cette survie. Pour le femmes migrant en France, lorsque la subsistance est préservée, elles doivent lutter contre les tensions générées par les contraintes de leur position déclassée à travers de multiples stratégies de négociations et de bricolages. Dans chacune des migrations féminines, la quête affective passe par une anticipation idéalisée des relations conjugales, mais qui est très vite contrecarrée par la mise à l’épreuve des violences masculines instituées par ce cadre.