Introduction
L’atelier de production du fer F155/1 est situé au sud de la forêt de Boulogne au sein de l’une des deux concentrations de sites métallurgiques recensés dans ce massif. Son fonctionnement, tout comme celui des autres sites, est daté des VIe – fin VIIe s. Cet atelier est caractérisé par la présence d’un ferrier de 60 m de longueur pour 45 m de largeur (soit une surface d’environ 1614 m²). Il fait l’objet de deux campagnes de fouille, une première en 2018 qui permet de comprendre le ferrier et sa composition, et une seconde en 2020 lors de laquelle la zone de travail est mise au jour. Ainsi deux espaces situés de part et d’autres du ferrier sont fouillées, cela représente une surface totale ouverte d’environ 110 m².
1 – L’atelier
Ce site comprend plusieurs étapes de la chaîne opératoire du fer dont le grillage du minerai, sa réduction et son forgeage. Cette organisation, peu courante pour les périodes antérieures, est visible sur d’autres sites alto-médiévaux. L’atelier F155/1 est organisé, chaque espace de travail ou de rejet est pensé, préparé et délimité pour répondre au mieux à sa fonction sans empiéter sur les autres. Ce phénomène est visible à travers la réalisation d’un creusement pour assoir le ferrier, l’installation de l’espace de réduction sur une pente douce, facilitant l’opération, et l’optimisation de l’espace dans la zone de forge. Finalement, ces différents emplacements forment un ensemble cohérent, d’environ 60 m², délimité au sud-ouest par un fossé d’environ 15 m de longueur et 1 m de largeur. Les artisans se déplacent ainsi de façon circulaire, depuis l’aire de grillage jusqu’à la zone de forge, sans se gêner.
Les structures et techniques de production employées sur ce site sont bien connues pour les périodes contemporaines et plus anciennes. L’aire de grillage est composée d’un léger creusement sur lequel sont déposés le charbon de bois et le minerai. La zone de réduction comprend trois fours à scories écoulées dont l’ouverture débouche en bas de la pente sur laquelle ils sont installés. Ces structures ont une cuve arrondie d’environ 20 cm de diamètre, des parois en argile beige renforcée par endroit par de la terre cuite architecturale récupérée. Ces fours disposent d’une aération facilitée par la présence de différents types de tuyères. En outre, on restitue des petits canaux à leur base pour guider l’écoulement de la scorie. La zone de forge est constituée d’un foyer circulaire d’une dizaine de centimètres de diamètre en partie creusé dans le sol, d’un probable billot d’enclume, d’une fosse et d’un espace de stockage du charbon de bois.
Cet espace est principalement dédié à l’épuration des éponges de fer effectuée en deux phases de travail ; le dégrossissage et la mise en forme du métal. Lors du dégrossissage les métallurgistes travaillent. Ces deux étapes font l’objet d’opérations distinctes réalisées en une seule fois.
2- La production
Le métal produit est défini comme du fer doux, très souple, facilement déformable mais peu résistant. Sa fabrication est relativement simple et la masse métallique finale est rapide à mettre en forme. Il peut être utilisé dans la fabrication de nombreux objets tels que des clous, des roues, des tiges, de la vaisselle, etc. Ce fer est donc un bon produit pour la vente. Cette caractéristique est probablement l’une des raisons pour lesquelles il est fabriqué en quantité. En effet, il est restitué pour cet atelier la production d’environ 35 t de fer.
Le fait qu’il se trouve dans un massif forestier disposant d’une quarantaine d’ateliers métallurgiques de ce genre permet de déterminer qu’il appartient à un « gros centre de production alto-médiéval » au même titre que Ludres « hôtel de ville » (Meurthe-et-Moselle), Bellaires I (Vaud/Suisse) ou Boécourt « Les Boulies » (Jura/Suisse) (CABBOI, DUNIKOWSKI, LEROY, MERLUZZO nd : 3).
Pourtant, cette production de grande ampleur est issue d’une opération au très faible rendement, nécessitant environ 390 t de minerai pour produire l’ensemble du métal du site. La réussite de cette entreprise est vraisemblablement le fait d’artisans dont on peut dire qu’ils maitrisent leur travail avec beaucoup de savoir-faire. Ces considérations ouvrent de nouveaux questionnements concernant la provenance de la matière première de cet atelier, et par extension celle du métal de l’ensemble de la forêt, alors que la région en semble peu pourvue ; son acheminement jusque dans le massif ; et l’identité des instigateurs de cette entreprise.
Conclusion
Cet atelier mérovingien présente un intérêt indéniable pour notre compréhension de la production du fer au haut Moyen-Âge dans la région centre, dont les caractéristiques sont mal connues. En outre, sa localisation au sein d’un espace regroupant une quarantaine de sites métallurgiques similaires permet de déterminer qu’il appartient à un « gros centre de production alto-médiéval », faisant de cet atelier un exemplaire unique dans la région.