Fouilles programmées
Financements : DRAC Nouvelle Aquitaine, Commune de La Souterraine, UMR 7324 CITERES-LAT.
Fouille programmée exploratoire du « Quartier Est » de l’habitat groupé antique de Bridiers – 2020
Le site de Bridiers, occupé durant le Haut-Empire, voire dès la fin de l’âge du Fer (Flécher 1993), correspond à un habitat groupé antique doté d’un probable petit centre monumental (temples et esplanade), implanté à l’un des carrefours de voies majeurs de la cité lémovice. Sa position au nord du territoire en fait l’agglomération la plus septentrionale et l’une de celles directement reliées aux cités voisines (Bituriges notamment) par d’importants axes routiers en provenance de Limoges. La grande étendue perceptible, la présence de rares édifices (thermes) et structures d’habitats connus par rapport à la richesse des découvertes mentionnées dans la bibliographie (très nombreuses monnaies, statuaire, éléments de décoration, coffres funéraires en grand nombre…) a encouragé à poursuivre les travaux engagés depuis 2017 sur un site dont l’importance dans le réseau urbain de la cité n’est plus à démontrer. Cependant, et malgré les riches découvertes anciennes, nous ne disposons actuellement d’aucun plan interprétable, d’aucun indice sur l’organisation interne du site ni sur les activités artisanales qui pouvaient s’y développer. Des progrès ont cependant été réalisés avec les campagnes LiDAR et géoradar ainsi qu’avec la fouille conduite en 2020 mais aussi avec une reprise systématique de la bibliographie (Baret 2019).
Le projet de fouille triennale du « Quartier Est » de l’habitat groupé de Bridiers (La Souterraine, Creuse) s’inscrit donc dans le prolongement de la campagne de levés LiDAR réalisée en 2017 (sur les sites de Blond, La Souterraine et Saint-Goussaud) puis de la campagne de prospection géoradar menée en 2019 prolongée en 2020 d’une fouille exploratoire sur l’un des bâtiments du quartier inédit de l’agglomération mis en évidence en 2019.
L’opération prend place plus globalement dans le cadre des travaux du PCR HaGAL – Habitat Groupé Antique de la cité des Lémovices du Ministère de la Culture (DRAC Nouvelle-Aquitaine ; dir. F. Baret) débuté en 2018 et qui a vocation à structurer les travaux menés sur les agglomérations antiques lémovices. De nombreuses problématiques liées à l’étude des habitats groupés peuvent en effet être documentées par le site de Bridiers :
- la poursuite du renouvellement des données archéologiques (Action 1.2 du PCR) ;
- l’étude de la morphologie des habitats groupés (Action 3.1 du PCR) ;
- documenter la classification hiérarchique des habitats groupés (Action 3.2 du PCR) ;
- documenter la relation entre habitat groupé et axes de circulation (Action 3.3 du PCR) ;
- documenter la vie quotidienne au sein des habitats groupés avec l’engagement de travaux dans un secteur qui paraît correspondre à un quartier d’habitations domestiques (mais possiblement aussi à vocation artisanale) au regard du mobilier découvert dans les taupinières, de la prospection géoradar de 2019 et de la fouille de 2020 (Action 4.1 du PCR) ;
- caractériser précisément la chronologie de l’occupation antique, son évolution, depuis le Ier siècle jusqu’à son abandon vers la fin du IIIe siècle / début du IVe siècle, et le déplacement de la population vers l’ouest avec les mottes féodales, puis le château et enfin jusqu’au bourg actuel de La Souterraine (Action 3.4 du PCR).
Les résultats de la campagne 2020 confirment l’existence d’un bâtiment (à vocation domestique voire artisanale dans un état antérieur) qui paraît avoir évolué entre le Ier et le IIIe (IVe ?) siècle et dont nous ne percevons pour l’instant que le dernier état d’occupation et partiellement les états antérieurs dans la Pièce 1. Il a également été observé la présence d’un second bâtiment au nord-est du premier sauf s’il s’agit d’aménagements liés à un état antérieur du bâtiment 1, accompagnant la canalisation en granite. Les observations réalisées dès le décapage montrent un faible enfouissement des vestiges dans cette partie haute de la parcelle (0,20 m de profondeur) et un bon état de conservation puisque les niveaux de sol en béton du dernier état sont conservés alors qu’ils n’avaient pas été mis en évidence par le géoradar (contrairement à l’hypothèse de leur présence dans d’autres bâtiments du quartier). La puissance stratigraphique, qui n’a malheureusement pas pu être totalement appréhendée faute d’avoir pu mener à son terme le projet de sondage profond, apparaît importante si l’on croise les données de la fouille et les profondeurs ponctuellement atteintes avec les résultats du géoradar qui suivent les murs parfois sur plus de 2 m de profondeur. Parmi les découvertes marquantes, celle d’un caniveau en granite et d’un puits conduisent à intégrer dans le programme de fouille la problématique de la gestion de l’eau (alimentation et évacuation).
Ainsi, le projet de fouille triennale doit permettre d’aborder les éléments suivants :
- évolution morphologique et chronologique du Bâtiment 1 ;
- interprétation fonctionnelle des différents états du Bâtiment 1 ;
- insertion du Bâtiment 1 au sein du quartier, relations avec les murs M1.06 et M1.07 (aménagements liés à un état du Bâtiment 1, angle d’un bâtiment voisin ?) ;
- fonctionnement et morphologie de la partie ouest du quartier par la recherche et la fouille de la rue principale Est-Ouest au sud du Bâtiment 1, d’autres bâtiments à l’est du Bâtiment 1 (partiellement perceptibles sur les résultats géoradar), d’éventuels espaces de circulation entre les bâtiments pour comprendre la structuration du quartier et son évolution chronologique ;
- mise au jour et étude des structures hydrauliques (privées, publiques) qui ressortent comme des éléments marquants du quartier au regard des découvertes anciennes voisines et des éléments mis au jour en 2020 ;
- identification et fouille au sein du quartier d’éventuelles activités artisanales ;
- identification et fouille au sein du quartier d’éventuelles constructions publiques.
Ces objectifs seront renforcés et complétés une fois l’emprise proposée ouverte ( 800 m²) et la fouille engagée. En effet, la faible emprise ouverte en 2020 (180 m²), si elle a permis de répondre aux questions posées dans le cadre d’une première campagne (voir ci-dessus), n’a pas permis de définir plus avant des problématiques ciblées. Celles-ci apparaîtront sans aucun doute lors du décapage et de l’engagement de la fouille sur la zone agrandie. Des objectifs plus ciblés en fonction des types de vestige mis au jour en 2021 pourront alors être proposés pour 2022 et 2023 et la stratégie de fouille pour y répondre adaptée en conséquence.
La couverture végétale (forêts et prairies) limite les prospections au sol (comme l’ont montré les rapports 2017 et 2019) et invite à poursuivre les travaux de fouille. Leur ancrage dans le temps et auprès des propriétaires et exploitants locaux devrait aussi permettre d’envisager à moyen terme une poursuite des prospections géophysiques (magnétique et géoradar) dans les parcelles voisines pour continuer la cartographie de l’agglomération afin de mieux appréhender l’environnement du quartier au sein duquel se développe la fouille.
Ce site, porteur du point de vue scientifique pour étudier la question des habitats groupés et pour la cité des Lémovices, paraît aussi offrir la possibilité de développer un large programme de recherches en complétant la fouille par diverses études, analyses et travaux d’étudiants. Celles-ci ont déjà débutées avec l’étude en 2020 des lots de mobilier issus des prospections menées par la MJC de La Souterraine et du sondage de 1973 (Baret et al. 2020). Une autre étude a également démarré dans le cadre de deux mémoires de Master (T. Deswarte et K. Mabicka sous la direction de F. Baret et P. Husi) sur la céramique des fouilles de la RN 145 de 1992-93 (fouille J.-F. Flécher) avec l’accord du responsable de l’opération. Le mobilier métallique issu de la fouille a également fait l’objet d’une première étude dans le cadre du Master de C. Delaille sous la direction de F. Baret et C. Loiseau (Eveha).
Fouille programmée triennale du « Quartier Est » de l’habitat groupé antique de Bridiers – 2021
La fouille programmée du site de Bridiers constitue le prolongement de travaux engagés depuis 2010 sur cette agglomération antique lémovice (2010, 2011 : prospection pédestre ; 2017 : LiDAR ; 2019 : géoradar). Il s’agit de l’agglomération la plus septentrionale de la cité, implantée à un important carrefour de voies comprenant notamment l’axe Augustoritum/Limoges-Argentomagus/Saint-Marcel. Le site fait partie des habitats groupés les plus importants de la cité. La couverture végétale (bois et prairie) a incité à mettre en œuvre dans un premier temps des méthodes extensives (prospections pédestres, géophysiques et LiDAR) pour renouveler la documentation. À la suite de la mise en évidence d’un quartier inédit de l’agglomération, un projet de fouille a été engagé. Il s’est concrétisé par une première campagne de fouilles exploratoires en 2020 et par le démarrage en 2021 d’un programme de fouilles triennales (2021-2023). Ce chantier, inscrit dans les travaux du Laboratoire Archéologie et Territoire de l’UMR 7324 CITERES, qui en assure la gestion financière depuis 2021, a également vocation à devenir l’un des chantiers-écoles de l’Université de Tours pour la période antique. Il s’inscrit plus largement dans un programme d’étude du site plus global qui ambitionne, en parallèle de la fouille, d’accroître les surfaces prospectées au sol, en géophysique et par un recollement progressif du mobilier anciennement découvert par enquête orale. Il s’agit en effet de construire progressivement le plan de l’agglomération antique par le croisement de l’ensemble des méthodes de l’archéologie et par la localisation systématique des nouvelles découvertes de mobilier mais aussi en relocalisant les découvertes anciennes.
Plus largement, la fouille prend place dans les activités de recherche portées par le Programme Collectif de Recherche (PCR) HaGAL – Habitat Groupé Antique de la cité des Lémovices (2018, 2019-2021 ; dir. F. Baret ; environ vingt chercheurs engagés dans le programme) du Ministère de la Culture et qui a rejoint également en 2021 les travaux du LAT qui en assure la gestion financière. Une demande de renouvellement du PCR sera déposée en fin d’année 2021 pour la période 2022-2024. Plusieurs travaux d’étudiants sont également associés à ce programme, comme celui de M. Ferré (M1 en 2020-2021) sur les lieux de culte lémovices et qui intègre un volet d’observation sur le terrain des sites et la relocalisation plus précise de certains d’entre eux.